Petit chosier

Brimborions, babioles et bidules
Par Romain T. et Fabrice D.

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Carnet de voyage

Fil des billets

vendredi 9 novembre 2012

Le goût de Londres : les vues

Barbican

Barbican

 

Tower bridge

Tower bridge

 

 

Docklands

Docklands

 

 

Hampstead Heath

Hampstead Heath

(Photos de FabriceD)

mardi 6 novembre 2012

Le goût de Londres

Un bon Londres, est un mélange de plein d'ingrédients. Avec le temps on prend ses habitudes, on se familiarise. On finit par se sentir chez soi, il faut dire qu'il suffit de se retourner pour tomber sur un Français... mais ce n'est pas pour cela qu'on y va, évidemment. Presque at home donc, comme le dit Richard Osman (co-présentateur de Pointless), en aspirant le deuxième mot comme jamais je n'arriverai à le faire.

Où manger ? A l'indien près de Russell square (pas de nom mais j'y vais les yeux fermés) ; au Gay Hussard, restaurant hongrois sympathique dans Soho ; dans les pubs, où l'on va pouvoir finir par publier un classement de la meilleure sausage and mash.

Les lieux ? Les pubs, avec pinte tiède obligée. Les librairies d'occasion de Charing Cross road, il n'en reste que trois de bien, prions pour qu'elles survivent encore quelques années. Bon, il y a Foyles bien sûr, mais ce n'est pas pareil même si le choix est démentiel. Parce que malgré tout, il est plus économique d'acheter des livres en anglais dans le bon pays... Jermyn street, et ses boutiques de tailleurs sur mesure. Soho et Covent Garden pour l'ambiance, même si on ne fait qu'y passer, Bloomsbury pour le calme et les grands squares. Les docklands, réhabilités sur des kilomètres, cette déclaration d'amour à la brique sur tous les tons (mais c'est un peu tout Londres comme ça, c'est vrai). Le trajet du Royal Albert Hall à Harrods. Le calme de Chelsea. Holland Park et ses baraques super chics, qui sont peut être seulement concurrencées par celles de Notting Hill. Hampstead et sa lande en centre ville, apaisement et maisons cosy à portée de la main à défaut d'être à portée de bourse (prix certainement aussi horrifiques que Holland Park ou Notting Hill) ; Highgate, presque un petit village un peu plus haut que Hampstead et si charmant. Le quartier du Barbican, bâtiments surélevés au style terriblement 70s, mais pas si moches, l'ensemble étant très unitaire.

Les vues ? Toute la ville depuis Parliament Hill au nord (dans Hampstead Heath) ou depuis l'observatoire de Greenwich au sud, le Royal Albert Hall depuis les Kensington gardens, les Houses of Parliament depuis la rive droite de la Tamise, toute la ville mais de plus près depuis Primrose Hill un peu au nord de Regent's park.

Que faire absolument ? Passer fût-ce en coup de vent à la National Gallery, où des centaines de tableaux sont directement accessibles (on peut entrer comme dans un moulin, voir huit Monet, deux Van Gogh et la dizaine de Canaletto qu'on ne connait pas encore tout à fait par cœur, et repartir. Si seulement on pouvait faire pareil au Louvre) ; pousser jusqu'à la Tate Modern où les Bacon sont beaux. Regarder les talk shows ou les jeux télévisés, ils sont bons surtout parce que tout le monde essaie d'y rivaliser d'humour, c'est tellement moins lisse qu'en France. S'arrêter chez Foyles juste pour être estomaqué par la taille du rayon consacré à Agatha Christie. Aller voir un concert, une comédie musicale, une pièce de théâtre. Et dire que cette fois on a raté de peu des places pour une des dernières pièces d'Alan Bennett au National Theatre. Marcher dans les parcs, dans les quartiers... Le tube est le tue l'amour de la découverte. Fuir Camden lock ; faire un tour de bateau sur la Tamise (nombreux arrêts entre Westminster et la Thames Barrier proche de l'estuaire) ; se perdre entre les dizaines d'églises de Wren dans la City.

Finir par viser le délire de briques néogothique de Saint Pancras, annonçant déjà qu'il faudra revenir.

dimanche 2 septembre 2012

Brèves d'une mission en Chine - 12

Trois semaines en Chine : cinq vignettes

Vue de ma chambre

Vue de ma chambre

 

Qintou (centre), la nuit

Qintou (centre), la nuit

 

Qintou - billard

Qintou - billard

 

Taishan - une rue commerçante du centre ville

Taishan - une rue commerçante du centre ville

 

Central Hong Kong

Central Hong Kong

jeudi 23 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 11

Mardi 21 août

Manger et bien manger est très important en Chine. Que ce soit chez soi, à la cantine ou au restaurant, plusieurs plats sont sur la table ou sur le plateau. Hormis à la cantine, tous les convives partagent les plats. On picore, on met un peu de ceci ou de cela dans une petite assiette ou dans un petit bol que l'on a devant soi, et on mange.

Les légumes, vapeur ou frits, sont bien verts et bien croquants. Haricots verts, brocolis, salade, branches d'épinards frais sont ainsi parfaitement cuits, respectant le légume. Le riz n'est pas salé, les nouilles non plus mais sont souvent accompagnées de sauces goûteuses ou d'oignons rissolés, de petits piments. Le riz sert à faire éponge et est consommé avec les autres légumes ou viandes, comme nous mangerions du pain. Certains légumes sont cuits au four, entiers, rôtis, tels l'aubergine ou la courgette. C'est délicieux.

La viande : mijotée, elle ressemble à nos plats en sauce de type bœuf bourguignon. Avec, fréquemment, des cacahuètes ou des noix de cajou pour donner un petit goût sucré. Frit, comme l'est parfois le porc, on s'approche du bacon à l'anglaise. Le poulet accompagne souvent, en de discrètes et fines lanières sautées, n'importe quel plat de légumes. J'en ai mangé ce midi avec des pois gourmands.

Le poisson : il est souvent simplement cuisiné, sans apprêt. Au cours bouillon, comme dans la cuisine cantonaise traditionnelle, les poissons blancs sont parfumés, ont un petit goût comme les poissons de rivière chez nous. C'est souvent du poisson d'élevage qui provient de ces étangs qui voisinent les rizières, que l'on voit au bord de toutes les routes. On en sert aussi, des sardines et maquereaux par exemple, juste grillés au four ou au feu.

Les desserts : souvent à la vapeur, à base de fruits. Je n'en ai pas mangé souvent, au restaurant je n'ai pas l'impression que les Chinois prennent tellement de desserts.

Les boissons : l'eau n'est pas potable (même si certains chinois la boivent), mais il existe de très nombreuses eaux de source. Sinon, on trouve aussi tout un tas de boissons bizarres au goût plus que chimique, du genre boisson pour sportif ou yaourts liquides aromatisés. A part ça, le restaurant et particulièrement si vous êtes invités par des Chinois, est souvent un prétexte à beuverie générale avec vin, alcool de riz et bière. (Je n'aurai pas eu l'occasion de voir ça.) Mention spéciale au très bon jus de prune qui parvient à aligner 50% de sucre de plus qu'un Coca.

Qu'on se rassure, la cantine du site n'est pas étoilée au Michelin, on est plus proche du resto U. La viande est grasse, coupée en morceaux mais avec tous les os (que les Chinois recrachent) et le poisson est plein d'arêtes, servi entier ou en morceaux. Gare au piment, aussi, il se cache partout où on ne l'attend pas.

Mercredi 22 août

Les quelques Chinois dont nous sommes proches avec mes collègues ont le cœur sur la main. Après une soirée de mah-jong, elles virent arriver le lendemain matin leur hôte avec deux petits jeux de mahjong qui leur étaient destinés. Nous avons également, avec un canadien, bien sympathisé avec une jeune professeur de chinois. Hier soir, nous avons eu la surprise de la voir arriver avec deux petits marque-pages métalliques, un pour chacun.

Jeudi 23 août

De très nombreuses langues sont parlées en Chine. Si le mandarin est compris et parlé par une majorité de la population, les différentes régions ont gardé leurs langues. Il semble étonnant, pour un pays qu'on dirait unifié depuis des millénaires par les dynasties d'empereurs qui se sont succédé, pays qui a au cours du temps connu peu ou prou la même extension territoriale, qu'aient apparemment toujours existé ces nombreuses langues. Est-ce à dire que l'Italie, unifiée il y a 150 ans seulement, où les langues régionales sont toujours beaucoup parlées (à la différence de la France), aura réussi dans mille ans à conserver toutes ses langues comme il semble que la Chine y parvint ? Probablement l'enseignement du mandarin en Chine a dû et doit encore permettre la survivance de toutes les langues locales. A la différence de l'enseignement du français, qui depuis le XIXe siècle a progressivement écrasé les parlers régionaux. Quoiqu'il en soit, ma connaissance de l'histoire et de la Chine est trop superficielle pour que je puisse tenter de m'expliquer plus en détail ces questions.

Ce qui est sûr, c'est que les langues locales sont parlées en priorité par rapport au mandarin. Ici, dans la province du Guangdong, on parle surtout le cantonais (qui est parlé également à Hong-Kong). A Taishan, on parle le taishanais. Il est facile d'entendre la différence : si le mandarin parait asséné, net, bien découpé à l'oreille, le cantonais est plus arrondi, moins anguleux, avec plus de b, de g et de w, moins de ch et plus de j. A un niveau plus local on croit entendre, dans les différences entre taishanais et cantonais, les différences qu'il y aurait entre le français d'un journaliste de télévision et l'occitan d'un vieux paysan des Cévennes. C'est l'idée très subjective que je m'en fais, en tout cas on m'assure que mandarin, cantonais et taishanais n'ont rien à voir.

Rien à voir, sauf les sinogrammes, qui servent à écrire toutes les langues parlées en Chine. Enfin, pas exactement, puisque une des premières mesures de Mao a été de simplifier des centaines de sinogrammes afin que le mandarin soit plus aisé à écrire, et s'apprenne plus facilement. Le cantonais utilise encore les sinogrammes traditionnels, plus complexes et plus riches. Un hong-kongais vous dirait d'ailleurs la nécessité de l'utilisation des sinogrammes traditionnels, parce qu'ils conservent à la différence des sinogrammes simplifiés tout le sens que les siècles d'évolution ont placé dans la graphie de ces signes.

Jeudi 23 août, 23h21

Oui, j'ai chanté (enfin...) les Beatles et Ricky Martin au karaoké, mais non, vous n'avez rien raté.

samedi 18 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 8

Vendredi 17 août

Les missions à l'étranger et certainement l'expatriation, dans le cadre de grands projets, ont l'avantage de permettre de nombreuses rencontres. Les occidentaux ici ont tendance à vite se retrouver pour les repas et en dehors du travail. Nous voyons également les Chinois avec qui nous sommes en contact quotidien. Oh, je sais bien que sur l'ensemble je ne garderai que trois ou quatre adresses mail ou numéros de téléphone, et que je ne garderai un contact qu'avec une ou deux personnes  — peut-être avec aucune. Mais sur place au moins discuter, passer du temps avec un Canadien, un Estonien, un Parisien de Vincennes qui voyage dans tous les pays d'Asie possibles et bien sûr avec quelques Chinois presque tous originaires de Taishan, à quelques kilomètres de là, cela change. La différence aère et vivifie.

Samedi 18 août

Quelques petites choses, et tout va mieux.

Apprenez un peu de chinois. Cela peut paraître évident, mais le fait est que quelques mots et expressions basiques dans votre bagage permettent d'éclairer les visages et de créer une très bonne relation. Les Chinois savent que pour les occidentaux leur langue n'est pas simple à prononcer ; ils savent aussi que malgré tout les sinisants sont peu nombreux. Alors, dès qu'un petit effort se fait entendre...

Si un Chinois vous propose quelque chose à manger ou à boire, ne refusez pas. Même si c'est un bonbon qui vous parait douteux, mangez-le et refusez le suivant si vous n'avez pas aimé. Refuser d'emblée est très impoli.

Ne jouez pas avec les baguettes. Notamment, ne les plantez pas dans la nourriture car c'est un symbole de mort. Les Chinois ont mis quelques milliers d'années à simplifier leur couvert et son usage jusqu'à l'épure, c'est donc une bonne raison pour ne pas jouer avec.

Négociez les prix. Pas dans un supermarché, ni dans un hôtel à l'occidentale ou dans un magasin qui a pignon sur rue (encore que...). Mais dans la rue, pour prendre un taxi ou au marché, si vous ne négociez pas votre vis-à-vis vous considérera comme le dernier des gogos.

Donnez un papier, un objet, n'importe quoi avec les deux mains. C'est un signe que le don ou la transmission est franche, totale.

mercredi 15 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 6

Mercredi 15 août

Depuis la base-vie ou le site du chantier, je peux me rendre en bus dans les grandes (Taishan, Shenzhen, Canton, Zhuhai) et petites villes (Qintou, Tongou) les plus proches. Je peux également demander un taxi qui me conduira où je souhaite pour un prix très avantageux, mais le retour n'est pas forcément assuré... En gros, je peux aller n'importe où ou presque dans un rayon de quatre heures de route. La contrepartie est la dépendance à un horaire ; de même, le matin et le soir pour aller travailler, les horaires de bus sont stricts : 7h30-7h40 et 17h40-18h, et les Chinois sont ponctuels. Je ne peux pas faire autrement, sauf à emprunter un petit sentier de montagne pour une heure de marche. Il faut dire aussi qu'à moins de repasser son permis de conduire en Chine, un étranger ne peux pas conduire ici. Il faut pour cela parler très bien parler chinois, les épreuves n'étant pas bilingues... Très peu de non-Chinois ont donc le supplément de liberté apporté par une voiture.

D'une façon similaire, la quantité impressionnante d'activités à disposition ne masque pas la contrainte, qui doit être pesante si l'on reste plusieurs mois, de devoir s'y adonner sur place, comme en vase clos.

Autrement, ce serait l'occasion où jamais de lire tout Balzac.

Brèves d'une mission en Chine - 5

Lundi 13 août

La base-vie est donc une ville de 20 000 personnes. On ne s'en rend absolument pas compte, parce que si les expatriés ou les gens en mission comme moi ont droit à un petit appartement, les Chinois eux, y compris les ingénieurs, partagent une chambre à plusieurs. En sorte de compensation, de très nombreux équipements sont présents sur place. Gymnase, courts de tennis, terrains de football et basket-ball, piscine de 50m, salle de musculation, école, restaurant, supermarché, clinique, karaoké (c'est un loisir national en Chine)... il y a également une bibliothèque constituée par les expatriés ; je ne l'ai pas vue mais je suppose qu'elle doit être assez cosmopolite.

Mardi 14 août, 14h19

Je surprends mon plus proche voisin en train de piquer du nez... Les Chinois paraissent continuellement fatigués. Beaucoup dorment dès que l'occasion se présente, dans le car, le vendeur devant son étal de pastèques ; la sieste est de rigueur pour une grosse heure pendant la pause repas. Le repas du soir est pris tôt, autour de 18h (les restaurants ouvrent usuellement à 17h30), pour laisser le temps de faire une sieste avant de ressortir dans la soirée faire du sport ou une autre activité.

lundi 13 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 4

Vendredi 10 août - Dimanche 12 août : un week-end à Hong Kong

Une des difficultés du quotidien ici est justement de s'en échapper, j'y reviendrai. Par exemple, il n'est pas si simple d'aller à Hong Kong, alors que la ville est à vol d'oiseau assez proche d'où je me trouve.

Vendredi 10 août, 14h : départ pour Shenzhen

Il nous aura fallu près de quatre heures pour arriver à cette ville nouvelle, frontalière de Hong Kong, que la Chine essaie de développer pour en faire une rivale de sa voisine. Développement urbain et économique surhumains sont le lot de cette conurbation tentaculaire, qui n'a par ailleurs (m'a-t-on dit) que peu d'attrait touristique. Après manger, on aura tourné énormément pour trouver un bar avec de la musique traditionnelle cantonaise, sans succès. Las, nous avons fini par planter l'accompagnateur (qui se trouve aussi être notre supervisor à tous...) pour aller dormir.

Samedi 11 août, 7h, poste de frontière de Luohu

Pour qu'il n'y ait pas trop de monde, on passe la frontière tôt. Après avoir regardé mon passeport et son écran, la jeune fille me lance dans un français parfait : Mais vous êtes lyonnais ! et nous discutons deux minutes ; elle avait fait des études à Lyon. Trois quarts d'heure de métro plus tard, nous sommes à Kow Loon, le quartier qui fait face à l'île de Hong Kong Central. Ce qui frappe, c'est le monde dans les rues. La nuit, ce seront les lumières (des enseignes, des tours) et le bruit qui ne s'arrête jamais. Nous posons tout à l'hôtel pour filer à Lantau, l'île de l'aéroport. Elle est encore très différente, majoritairement sauvage, et comprend un monastère bouddhiste et une grande statue de Bouddha. C'est assez loin, mais le trajet en télécabine est très agréable et on ne s'imaginerait pas trouver un tel lieu de paix à Hong Kong. Il faut dire que sur 260 îles, il peut bien en rester quelques unes où la nature a encore tous ses droits...

14h, Central Hong Kong

De retour in media res. Balade entre les buildings des banques et des grandes entreprises internationales, hésitation devant la file d'attente pour prendre le funiculaire qui conduit au Victoria Peak. Vu le brouillard et la file d'attente, nous n'y monterons pas ; même si c'est l'attraction n°1 de la ville, je ne vois pas l’intérêt d'une vue panoramique la tête dans les nuages. Même dans ce coin le plus occidental, la culture chinoise est partout : restaurants, petits magasins, métiers traditionnels... le contraste est saisissant.

17h, Kow Loon

De nombreux ferries croisent entre les îles de Hong Kong ; le plus emprunté relie les quelques centaines de mètres séparant Central et Kow Loon. Je prends quelques photos du spectaculaire alignement de buildings, puis on retourne à l'hôtel après un tour dans Kow Loon où s'étalent pêle-mêle bijouteries de luxe, magasins d'électronique de contrefaçon, restaurants de toutes nationalités, par centaines. Je profite d'une pause pour voir Matthew Mitcham et Thomas Daley au plongeon de 10 mètres, et l'on ressort après diner vers un marché de nuit, en passant par deux grands parcs. Retour autour de minuit où magasins et parcs sont toujours ouverts, avec un stop dans un bar très connu et bondé où des groupes de jazz mettent l'ambiance.

Dimanche 12 août, 9h

La chambre d'hôtel que je partage avec ma collègue est typique d'une chambre Hongkongaise bien et pas chère : tout le confort moderne, classe même, mais minuscule. Nous ne pouvons pas nous tenir à deux debout et fermer la porte ! A peine 6 m² de surface, je pense. Et pour y parvenir, nous sommes montés à la réception haut perchée dans un immeuble à l'entrée glauque, pour trouver notre chambre trois tours plus loin (à l'entrée encore plus miteuse). Nous sortons vers 10h faire un deuxième marché, qui comme le précédent est un immense marché à touristes qui m'a fait penser toutes proportions gardées à nos "marchés de Noël", où tous les commerçants vendent la même chose. Dernier coup d'oeil à la vista sur les gratte-ciel, en repassant dans tout Kow Loon, et il est temps de partir prendre le ferry vers Zhuhai, en Chine.

13h30, départ

1h30 de ferry et deux bonnes heures de route plus tard, et je suis de retour à la base-vie.

Hong Kong est une des villes les plus denses du monde, dans laquelle la tension entre l'occident et la Chine est permanente : même si l'Angleterre (les bus, les marques au sol, certains magasins, les hôtels de style colonial) est présente par petites touches, Hong Kong est très chinoise. Les Hongkongais parlent cantonais, et à part une minorité de businessmen très riches toute la population est modeste voire pauvre, et habite les quartiers populaires. Et tout ce petit monde semble vivre à toute allure...

vendredi 10 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 3

Jeudi 9 août

Qintou : 5000 habitants (?)

Base-vie : 20 000 habitants

Taishan : 200 000 habitants

Hong Kong : 7 000 000 habitants (j'y vais pour le week-end)

Canton : 12 700 000 habitants

 

jeudi 9 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 2

Mardi 7 août

Ici, les routes sont balayées. En venant, j'ai même pris une autoroute en train de l'être. Des gens passent leurs journées à cette activité, et ne paraissent pas plus malheureux que ceux qui erraient dimanche dans le village de Qintou, cherchant le chaland pour vendre leurs charrettes de fruits. Seulement... la poussière, le sable sont enlevés pour un instant : quelques secondes après le passage d'un camion, tout est à refaire. Et comme il pleut un jour sur deux, de la terre, des branchages, des gravats reviennent rapidement sur les routes.

Il faut sûrement se considérer bien privilégié de travailler sur des sujets intellectuellement intéressants, mais aussi croire que les balayeurs de Chine sont heureux dans leur tâche de Sisyphe.

Mercredi 8 août

Mon badge comprend une carte à puce. Avec, je peux acheter les produits à la supérette de la base-vie, manger à la cantine, mais également prendre le bus pour aller à Shenzhen, Canton, ou plus près. Des bus au départ de Canton arrivent jusqu'au tout petit village de l'autre côté du tunnel, à quelques kilomètres d'ici. C'est un peu comme s'il y avait tous les jours un bus direct Paris - Candé-sur-Beuvron, je trouve cela fascinant. On a l'impression que l'organisation à la chinoise n'a pas de limite.

mardi 7 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 1

Samedi 4 août, départ

Les petits matins de départ, je suis vide. Je ne parviens pas à m'exciter, à m'imaginer ce qui peut m'attendre, à me projeter dans quoi que ce soit. Ni à délaisser le quotidien. Les dehors de la ville sont plus endormis que moi ; je vagabonde par la pensée dans les rues des bords de la voie de tram tandis que les maisons bariolées passent muettes, comme les jetons d'un Monopoly grandeur nature. J'attends Meyzieu à partir d'où, pour cinq minutes finales, le tram aura définitivement rompu avec la ville pour ne plus viser que le clocher du petit village de Satolas, toujours aussi radieux dans le soleil levant.

Terminal 2E portes L, Roissy - Charles de Gaulle

Deux jeunes enfants sont assis devant un piano droit apparemment à disposition des passagers en attente. Ils jouent une bluette enfantine à quatre mains, encore et encore, en accrochant. Au bout de quelques minutes que je les regarde, une dame se lève. Je crois comprendre qu'elle leur signifie que l'étude est terminée, qu'ils peuvent aller jouer. Elle rêvasse un instant, à regarder les avions. Elle attend on ne sait quoi devant les grandes baies vitrées, la main à plat sur le piano. Elle se décide et prend le siège face à l'instrument pour se mettre à jouer une petite pièce, probablement une des Romances sans paroles de Mendelssohn. Parfaite adéquation au calme des lieux.

Dimanche 5 août

Le petit village le plus proche de la base vie, Qintou, est très, très sale. Les rues sont puantes, les détritus sont partout sur les bas-côtés. Beaucoup de Chinois marchent pieds nus.

Lundi 6 août

La chaleur est pesante ; il pleut, le taux d'humidité dans l'air dépasse les 90%. Je mets un pied hors de la chambre, j'attends quelques secondes : j'ai le visage ruisselant. On m'avait prévenu, mais c'est assez surprenant. J'allais découvrir plus tard qu'aller sur le chantier habillé de pied en cap avec tenue, casque, gants, lunettes, devait confiner au sauna.

Brèves d'une mission en Chine - prélude

Trois semaines en Chine sont bien insuffisantes pour prétendre dire quoi que ce soit de très construit, de très développé ou fouillé sur un tel pays. Il n'empêche que c'est un laps de temps suffisant pour voir des tas de choses ! Selon un mode impromptu, je posterai ici dans les jours à venir quelques nouvelles ou réflexions diverses en passant, sans aucune prétention. Car si facebook, twitter ou même la messagerie de free sont inaccessibles depuis la Chine, il se trouve que les blogs hébergés par free ont la chance de l'être : profitons-en.

samedi 14 juillet 2012

Rediffusion : 14 juillet outre-Quiévrain

Le week-end du 14 juillet 2011, Fabrice venait faire un tour à Evere, en Belgique, et plus si affinités.

Le 14, pluie en hallebardes le matin. On s'était dit qu'on passerait voir le cimetière de Bruxelles, on a hésité, on s'est fait rincer. Petit avantage, le vert des pelouses n'avait peut-être jamais été aussi profond, et le lieu était vide. Le parc est magnifique, comme je le soupçonnais : les arbres sont majestueux, il doit faire très frais sous les voûtes les jours de chaleur. Les allées sont toutes courbes, les pelouses reposantes, les parterres colorés. On en oublie les quelques tombes. Je n'ai pas vu d'horticulteurs, pourtant, on taille les arbres en voûte sous la pluie : elle fait ployer les branchages, ce qui permet de ne pas avoir à monter trop haut ; et lorsque le soleil revient la voûte se reforme. (C'est du moins comme ça que procédait le père de Fabrice, quand il était jeune et qu'il taillait l'allée de tilleuls de l'abbaye de Noirlac.) Après deux heures de bonne drache, direction la basilique de Koekelberg. Un peu l'équivalent de Saint-Paul en Angleterre, c'est aussi une des plus grandes églises du monde. Toute briques à l'extérieur, Art déco. Dedans c'est jaune et aseptisé comme dans un hôpital, ça tient aussi du centre de conférences. Drôle de mélange pour une atmosphère très particulière. Aller et retour par la grande avenue Léopold, bordée de maisons Art nouveau.

Le 15, direction l'Atomium (20 minutes en tram depuis l'appartement que j'occupais, c'était une bonne surprise) puis parc de Laeken : serres royales, pavillon chinois, tour japonaise. On a sûrement mal joué, le parc avait l'air joli mais entrecoupé de routes, du coup on n'est pas resté longtemps. L'Atomium, gadget rigolo, valait le coup d'être vu ; pas grand chose à en dire de plus.

Le 16, on a pris le train vers Anvers, en Flandre. Passage par Malines qui a l'air bien jolie. Anvers est venteuse, pas loin de la mer à l'embouchure de l'Escaut. Plus de maisons à pignon qu'à Bruxelles comme on peut s'y attendre, puisqu'on se rapproche des Pays-Bas. La gare est fabuleuse, sur trois niveaux. Je n'ai toujours pas compris comment les trains peuvent rejoindre les voies à la sortie de la gare... La cathédrale aussi, de style gothique brabançon comme l'hôtel de ville de Bruxelles. D'autres églises et maisons de maître (comme on dit en Belgique), et autres beaux monuments se trouvent sur le chemin des quartiers du centre. Une demi journée permet d'en faire le tour, qui le mérite.

Le 17, un tour dans le centre de Bruxelles puis dans le Sablon, et dans les Marolles jusqu'à Bruxelles-Midi et la fête foraine partout autour de la gare. Quatre heures plus tard Fabrice était à Lyon. Ce dimanche soir, malheureux hères dans nos appartements vides chacun de notre côté, nous ne devions penser qu'à n'être plus jamais séparés trop longtemps. La morosité hebdomadaire prenait déjà le pas sur les quelques jours précédents.

La semaine suivante, ambiance de vacances en Belgique. Seul de mon groupe de travail présent dans les bureaux, ce fut calme. Le jeudi soir qui a suivi, je sortis tôt pour un début de soirée culturelle : j'achetai deux livres galerie des princes, commandai des places gratuites pour le musée Magritte (rénové avec un peu de mécénat GDF Suez), allai voir l'expo Jeff Wall au Bozar et entendis malgré moi une bonne partie de la Flute Enchantée qui passait à la taverne où j'ai dîné. Le meilleur de l'expo Jeff Wall ? les photos de Walker Evans et Wols, celles de Roy Arden, qui ont influencé Jeff Wall. Ah, je serai bien reparti avec une superbe meule de foin d'Eugène Atget, mais bon, la sécurité, les alarmes, tout ça. Allez-y, rien que le bâtiment de Horta vaut le détour.

Eh non, pour répondre à la question en forme de pari que je me posais alors, Fabrice et moi n'avons pas encore lu les plus de 70 romans de Simenon dans lesquels Maigret apparaît. J'évoquais Le Chien Jaune, dont j'aurais juré que Fabrice avait admirablement parlé dans un billet que je ne parviens pas à retrouver, et je pensais déjà à ces vacances anglaises où Oxford, Auden, Londres et Lodge voisinaient...

jeudi 19 avril 2012

Marseille - Lyon (19h44 - 21h24)

Elles sont entrées dans la voiture en gloussant, elles se sont assises, elles ont regardé le paysage, elles ont discuté, elles ont lu, elles ont mangé, elles ont entamé une pomme granny smith (chacune).

Elles ont discuté, elles ont gloussé (doucement), elles ont lu, elles ont regardé le paysage, elles se sont assoupies, elles avaient une petite vingtaine d'années, elles étaient jolies.

Elles se sont réveillées, elles se sont regardées, elles sont restées muettes, elles ont fini leur pomme, elles ont lu, elles ont gloussé (presque en chuchotant).

L'une a pris son manteau pour se mettre dessous ; elles se sont souri, elles se sont enlacées, elles se sont rendormies.

samedi 24 mars 2012

Litanie de nos villes

Square Conchon-Quinette ;

Rue des Quatre Chapeaux ;

Passerelle de la Grange-aux-Belles ;

Rue des Gras ;

Rue de la Brèche-aux-Loups ;

Montée des Carmes Déchaussées ;

Rue Tiquetonne ;

Rue des Sept Arpents ;

Pont des Trois Pierrots ;

Rue des Filles du Calvaire ;

Rue de la Petite Truanderie ;

Quai Malaquais ;

Rue des Fossés Louis VIII ;

Rue du Bât-d'Argent ;

Rue Moyenne ;

Boulevard de Bonne-Nouvelle.

mercredi 29 février 2012

Music for a while

On aime le Royaume-Uni pour ses habitants, sa verdure, ses écrivains comiques ou satyriques ; pour les musées londoniens, pour la musique. La musique classique britannique est assez peu connue en France. Il faut dire qu’on y fait la part belle aux compositeurs nationaux, les Berlioz, Ravel et Debussy dont presque toutes les œuvres sont jouées encore aujourd’hui. Les Russes sont eux aussi beaucoup joués en France, depuis le début du XXe siècle, après que Debussy revint de sa jeunesse en Russie, que Ravel a puisé chez Rimski-Korsakov son talent d’orchestrateur incomparable, que Stravinsky est venu vivre à Paris dans les années 1920—1930, et que Diaghilev y a monté ses plus grands ballets : L’Oiseau de feu, Le Sacre du printemps, (musiques de Stravinsky), Daphnis et Chloé (musique de Ravel), Le Tricorne (musique de Falla)… Enfin, la musique de nos voisins d’Allemagne, d’Autriche, de République tchèque ou de Hongrie a elle aussi les faveurs des salles de concert en France. Regardez les programmes : les symphonies de Beethoven, Brahms, Mahler, les opéras de Janacek ou le piano de Liszt, ils sont partout.

La musique britannique, comme les musiques de la Scandinavie ou de l’Asie, est quasi-absente des scènes de France. On entend parfois quelques opéras de Purcell (1659—1695) ou de Britten (1913—1976), quelques pages orchestrales comme les Marches de pompe et circonstance d’Elgar (1857—1934) ou les Planètes de Holst (1874—1934), mais c’est à peu près tout. On peut pourtant y trouver des merveilles, il suffit de s’y plonger.

Depuis le Moyen-Age où l’on écrit de la musique, la musique britannique a grosso modo connu deux périodes fastes : le pré-baroque et le baroque (d’environ 1500 à 1700), et une période moderne (de la fin du XIXe siècle à nos jours). Entre 1700 et 1875, soit près de deux siècles, on ne trouve pas un seul compositeur britannique d’envergure, tout juste quelques petits maîtres (et j’ai du mal à en recenser, encore) : Arne (1710—1778), dont on ne connaît plus que le Rule, Britannia! ; Stanford (1852—1924), qui a notamment écrit quelques symphonies de bonne facture ; Parry (1848—1918), que le Prince Charles cite comme un de ses favoris ou en tout cas comme un compositeur négligé. Parry est en effet tombé dans un oubli total, y compris outre-Manche ; il me semble que c’est justice.

Le Royaume-Uni a connu d’immenses compositeurs au XXe siècle. Deux géants se détachent : Vaughan Williams (1872—1958) et Britten. L’un a composé beaucoup de musique orchestrale (de grandes pièces, dont dix symphonies), l’autre une vingtaine d’opéra tous encore joués régulièrement dans les maisons d’opéra du monde entier.

De l’autre côté du panorama, des compositeurs plus anciens. Les Britanniques étaient reconnus alors pour trois genres au moins : la musique vocale, la musique de clavier des virginalistes, et le consort de violes.

Tous les grands compositeurs britanniques de la période 1500—1700 ou presque, qu’ils aient été catholiques ou anglicans, ont écrit pour la voix : œuvres religieuses, grandes messes, songs. Les Tallis (1505—1585), Byrd (1543—1623), Gibbons (1583—1625) ou Sheppard (1515—1560) n’ont rien à envier à leurs contemporains du continent. Le virginal (on parle de clavecin sur le continent) a eu les faveurs de très nombreux compositeurs autour de 1570—1620, dont ceux cités, à tel point qu’à cette période la qualité et la quantité des œuvres produites fait du Royaume-Uni l’un des pôles de l’essor de la musique de clavier européenne avec l’Italie. Il faut attendre près d’un siècle de plus pour constater le même développement en France et en Allemagne. Enfin, nos voisins étaient les maîtres incontestés du consort (ensemble) de violes. Ils en ont écrit des centaines avant que la viole passe de mode et s’efface devant le violoncelle autour de 1700 ; et c’est une chose magnifique, le consort de violes. Ces morceaux pour trois, quatre, cinq ou six violes le plus souvent, dont la polyphonie alliée à la douceur, au velouté propre à l’instrument leur confère une grande richesse et une plénitude sonore, sont rarement joués. Pourtant, les compositeurs qui en ont écrit sont très nombreux et restent encore connus aujourd'hui (et sont malgré tout beaucoup plus joués que Parry...). Rendez-nous les perles pour la viole de Byrd, Purcell, Jenkins (1592—1678), Holborne (1545—1602) et autres Dowland (1563—1626) ! On voit paraître un disque de temps en temps, mais l’anthologie réalisée par Jordi Savall dans les années 1980-1990 attend toujours d'être étoffée par ses successeurs.

lundi 5 décembre 2011

Aimez-vous Brahms ?

Quelle familiarité acquiert-on au fil du temps avec des œuvres d’art ? Comment se développe une proximité avec les films de Kubrick, les sonates de Beethoven par Guilels, les romans de Julian Barnes ou les aquarelles de Turner ? Si les mécanismes me paraissent identiques que l’on parle de musique, de littérature ou de peinture, leur fonctionnement reste très personnel puisqu’il fait appel à notre univers mental, que l’on construit vraiment depuis l’âge où l’on sait distinguer ce que l’on apprécie du reste. Neuf, dix ans ? Avant l’influence parentale pèse encore trop. J’ai entendu jusqu’à plus soif du Julien Clerc, des Beatles, du Francis Cabrel ou du Elton John dans mon enfance, au point de connaître encore par cœur des dizaines de leurs chansons aujourd’hui. Si on m’avait demandé, je n'aurais pas su dire si je les écoutais par goût réel ou par simple mimétisme.

Quand je découvre un auteur, plusieurs situations peuvent se produire. Cela peut paraître réducteur, lorsqu'on essaie de l’écrire, pourtant un tri de l’information est toujours à l’œuvre inconsciemment : on discrimine, on classe, on range dans des boîtes, avec tout ce que cela peut comporter de factice et d’idées reçues. Cela reste très poreux : nos intérêts et désintérêts, dans tous les autres domaines, percolent dans ces boîtes imaginaires qui vivent grâce à cet arrosage multiple.

Première possibilité, je commence à lire un livre mais je patine : il me rebute, je n’avance pas, me perds et n’achève pas l’ouvrage. Je sais que je n’y reviendrai pas, c’est définitif sauf exception. Il est rare de commencer un livre qui tombera dans cette « catégorie » parce qu’en règle générale on a au moins une vague idée d’où on met les pieds, mais cela arrive. Mes deux sommets parmi les chefs-d’œuvre incontestés : Voyage au bout de la Nuit de Céline et Belle du Seigneur de Cohen. Je ne crois plus à l’œuvre dont on se dit après les cent premières pages qu’on n’est pas prêt, qu’on pourra peut-être réessayer plus tard (j'ai essayé sans succès). Le goût ne change pas tant.

Deuxième possibilité, l’auteur dont on lit un livre ou deux. On ne sait pas forcément à l'avance qu’on s’arrêtera au deuxième, ce que l'on sait c'est qu'il est très peu probable que l’on persévère au-delà. Il fallait simplement savoir à quoi s’en tenir. Dans cette case je mets Marc Lévy ou Jean d’Ormesson. Pas grand-chose à en dire.

Troisième possibilité, l’auteur que l’on aime. On se rue sur tout, on essaie de débusquer les recoins obscurs de sa production. Ça sera rapide parce que l’écrivain est d’un seul livre, ou a très peu publié ; ça prendra du temps pour des raisons inverses, peu importe. On a une bonne connaissance de ce que l’on apprécie justement en allant voir ce qu’il y a dans les marges, en découvrant des aspects insoupçonnés après avoir marché dans les larges allées, ou en faisant les deux en même temps. Vous vous engouffrez dans un petit trou de serrure et découvrez de grands espaces. Exemples personnels : Hervé Guibert, Ernest Hemingway, Saint-John Perse, Jean Echenoz, Charles Dantzig, John Steinbeck. On peut bien vous dire que ces écrivains sont mauvais ou moins bons que tel autre, vous vous en moquez. Ils sont vôtres, vous sucez le sang de leurs écrits comme un moustique qui serait tombé dans une poche à perfusion, vous le reconnaissez en quelques pages, et un jour vous aurez lu toute sa production ou presque (si ce n’est déjà le cas). Ce n’est qu’une question de temps. Une relation privilégiée s’établit, assez difficile à définir, en tout cas c’est très plaisant, cela réchauffe.

Quatrième possibilité, l’auteur que l’on aime mais dont on sait que la relation qu'on a avec lui ne sera jamais complète. Souvent parce qu’il est trop prolifique et que l'on ne lira jamais tout, moins souvent parce que sa production n'est pas facilement trouvable ou parce qu'elle n'est pas traduite et que vous ne lisez pas sa langue. Illustration non exhaustive : Victor Hugo, Georges Simenon, Sandor Maraï. Le lien qui vous unit à cet auteur est malgré tout du même ordre qu’avec un auteur de la catégorie précédente.

Ces ensembles participent à la construction brique à brique d'édifices que l'on peut parcourir tous les jours des fondations aux combles, sachant dans quelle zone on ne veut pas mettre les pieds, dans quelle autre on resterait, bien affalé au soleil ou dans un canapé. Par un effet boule de neige, on veut toujours les rendre plus vastes, ajouter des pièces, en changer l'organisation parfois. Quand ce n'est pas tout casser et rebâtir sur les décombres, ou très loin ailleurs.

samedi 22 octobre 2011

LYS-OPO-LYS

Sur le tarmac grouillent des insectes caparaçonnés et difformes : des coccinelles à roulettes, des lombrics à essence, des coléoptères ventrus qui cachent sous leurs élytres bagages, nourriture et mauvais café. Comme dans une ruche, on s'agite autour de grosses larves blanchâtres et rondes. On les nourrit, on les nettoie, on les choie. Pataudes, presque grotesques, tirées et poussées par des scarabées trapus, elles avancent lentement sur la piste. On remarque enfin leurs ailes et, gracieuses, elles s'élancent vers le ciel.

*

Quoi de plus charmant qu'un steward qui rougit lorsqu'il remarque que vous le regardez faire la danse de la sécurité ?

*

C'est une chose que de ne pas avoir peur en avion, c'en est une autre que de supporter stoïquement l'écoute des consignes de sécurité. Une fois enregistrées en français, puis en portugais, puis mimées en anglais. Cette insistance a quelque chose de suspect : pourquoi veulent-ils tant qu'on ne panique pas ? Et pourquoi ne faut-il pas gonfler le gilet de sauvetage tant qu'on est dans l'avion ? Risque-t-on d'étouffer ou de rester coincé dans la porte ? Pourquoi, surtout, devrait-on entendre la consigne brace, brace ? La manière posée dont l'énonce la voix enregistrée semble déjà résignée : pas d'exclamation, une simple constatation. Brace, brace. La position à adopter, inconfortable et introspective, conviendrait à la prière. Brace, brace and pray.

*

Lors des phases de décollage et d'atterrissage, les rideaux qui masquent les hublots doivent être relevés. La raison n'est pas donnée à cette exigence dont on voit mal en quoi elle améliore la sécurité. Que les pilotes voient la piste, certes, mais les passagers ? Mon hypothèse : ce n'est que pur sadisme. Il faut que les quelques uns qui ont vue sur les ailes profitent du spectacle : l'aile qui vibre et qui tremble, comme une feuille de papier au vent ; les traces d'usure qu'on n'avait pas remarquées avant, sur le métal, sur les rivets ; cette constatation terrible, quand s'abaissent complètement les volets, que l'aile qu'on espérait solide est en fait creuse, ouverte à tous les courants d'air. Cette obligation de maintenir découverts les hublots, c'est la claque : je jurerais que les premiers à atterrir, après l'atterrissage, sont ceux qui n'ont pas quitté les ailes des yeux.

*

Ladies and gentlemen, my name is John Flam, and I am you captain on this flight to Porto.

Personne n'avait rien remarqué, jusqu'à la traduction par le steward.

Mesdames et messieurs, une traduction du message de notre commandant, le Capitaine Flam.

jeudi 6 octobre 2011

Un samedi à Paris

L'arrivée

11h45 —  Le train longe une station d'épuration dont j'aime bien le logo qui sort d'un étang. Ce serait assez bucolique si l'on oubliait d'où sort l'eau. L'eau : à sa vue, ma vessie se réveille, je veux aller au toilettes, mais Paris n'est plus très loin, si les toilettes sont occupées, je devrai aller aux suivantes, qui si elles sont occupées, etc., si je n'en trouve pas de libres avant Le Vert de Maisons, je risque d'être encore dedans en Gare de Lyon, il ne faut pas aller aux toilettes quand le train est à l'arrêt, en tout cas dans les Corail, est-ce vrai dans les TGV ?

11h50 — Maisons-Alfort, Alfortville, Le Vert de Maisons... Question rituelle : Tu préfères Maisons-Alfort ou Alfortville ? Ça n'amuse personne que Romain et moi. Les messieurs en costumes, debout depuis la station d'épuration, nous regardent avec condescendance. Je ne suis pas allé aux toilettes.

11h54 — Il faut parfois se reposer le goût, comme un sportif s'accorde une journée de relâche en culpabilisant un peu de son amollissement plaisant. J'aime l'architecture quand elle se rapproche de la géométrie : les lignes droites qui tracent des perspectives, les courbes qui faussent la gravité, les angles qui surprennent. Pour autant, une fois de temps, en bord de Seine, ce que j'aime Chinagora !

12h10 — Il n'y a pas plus belle vitrine de Paris que cette esplanade : les brasseries accueillantes, les vieilles pierres du beffroi, les trains de taxis pour le pittoresque. Sous un ciel gris, c'est poignant, sous le soleil, c'est charmant.

—  Si l'on pouvait croiser des toilettes publiques...

Question rituelle

Systématiquement, malgré les quolibets, en descendant du train, après deux heures de trajets côte à côte, je demande à Romain :

As-tu fait un bon voyage ?

Frustration récurrente

—  Où veux-tu aller ? Le Marais ?

—  Oh ! oui, tiens.

—  On passe par la Bastille ?

—  Oh ! oui, tiens.

—  Je te suis.

—  ...

—  Avoue que tu le fais exprès... C'est par là.

Parcours habituel

Gare de Lyon, Arsenal, Bastille, Le Marais, Hôtel de Ville, Île de la Cité, boulevard Saint-Michel, Gibert, la Chaumière à musique, quai Malaquais (Pas sur la bouche), Châtelet, Palais-Royal, Louvre, Tuileries, Faubourg Saint-Honoré, Champs-Élysées, etc.

Les parisiens en sont horrifiés et nous traitent comme des marathoniens.

Plus tard

—  Et maintenant, où veux-tu aller ?

—  Père Lachaise ?

—  Trop loin.

—  Montmartre ?

—  Trop loin.

—  Opéra ?

—  On en vient.

—  Ah, bon ?

—  Avoue que tu le fais exprès...

Début de soirée

Ce qu'on trouve à Paris : des chocolatiers, des chausseurs, des brasseries, des modistes, des boulangers, des maroquiniers, des bistrots, des bijoutiers et partout, partout, partout, des cavistes qui ont peur du noir. Le touriste vagabonde dans l'insouciance : il sera toujours temps d'offrir à nos hôtes une bouteille de vin. Croit-il. Un courant d'air un peu plus frais, le ciel qui rosit signalent soudain la soirée qui s'approche. Et, à mesure que l'obscurité avance, les cavistes disparaissent. Ils ne ferment pas, non, ils s'évaporent, comme cette part des anges qui s'enfuit des fûts les plus hermétiques. L'heure s'approche de sonner chez nos amis, les mains restent vides, l'angoisse sert le cœur et presse la vessie. À force de détours, on finit par trouver ce que l'on cherche. Romain paye, je me dandine d'un pied sur l'autre. Romain sonne à l'interphone, je me dandine d'un pied sur l'autre. On prend l'ascenseur, je me dandine d'un pied sur l'autre. On sonne, etc.

C'est ainsi que persistent des réputations.

samedi 13 août 2011

Iconographie

Saint Jérôme et Saint Matthias sont dans un musée : cela commence comme une histoire drôle, c'est un souvenir de Londres où je les ai croisés à la National Gallery. Je les y ai reconnus à un détail subtil : leur nom, sur le carton, à gauche du tableau. Mais d'autres indices auraient dû me guider. Un lion levait la patte aux pieds de Saint Jérôme et Saint Matthias tenait une hache ensanglantée : l'un avait enlevé une épine des coussinets du fauve, l'autre s'était fait martyriser façon équarrissage.

Non loin, deux saintes dont j'ai oublié le nom : l'une, que l'on aurait prise pour une première communiante, tenait le cierge qu'elle avait rallumé d'un souffle après que le diable l'eut éteint ; l'autre, sortie d'une maison des horreurs de fête foraine, serrait contre elle une Bible entourée d'un ruban que terminaient, comme des pompons, deux yeux. Oui, deux yeux globuleux sur lesquels des veines criardes dessinaient comme des parallèles et des méridiens. C'est que la lecture de la Bible lui avait rendu la vue, nous explique le carton, sans percer complètement le mystère : si elle était aveugle, comment a-t-elle lu les Écritures ? Cette Bible et ces yeux, ce sont la poule et l’œuf.

Évidemment, tout ceci n'est pas à prendre trop littéralement. Ces attributs ne sont là que pour aider le fidèle à différencier les innombrables barbus qui décorent les vitraux d'église et fournissent les légions célestes. Au contraire de leurs prénoms ridicules — Ouen, Cloud, Pancrace — les pauvres gens n'en étaient pas affligés de leur vivant. (D'autant que beaucoup en sont morts. Voir Matthias et sa hache.) Saint Jérôme allant faire ses courses, aucun boucher ne l'aurait accepté dans sa boutique avec son lion : Jérôme serait mort de faim, les peintres l'auraient représenté avec une assiette vide en guise d'auréole, on aurait oublié le lion. (Jérôme l'aurait peut-être mangé, par désespoir.)

Tout ce bric-à-crac d'animaux empaillés et de détails horrifiques échappe de plus en plus au spectateur moderne. La maladresse de certains artistes n'aide pas : le lion semble en peluche, les écoliers se demandent quand Saint Jérôme a pu remporter le Tour de France ; Saint Georges terrasse un dragon de nouvel an chinois, on cherche en vain une croisade plus lointaine que les autres. Les plus cultivés confondent malgré tout Saint Georges et Saint Matthieu. N'était la barbe, on prendrait Saint Jérôme pour Sainte Blandine.

Il n'y a que Saint Sébastien que je reconnaisse à coup sûr aux nuées de jeunes gens sensibles qui s'attroupent devant son jeune corps glabre, pâmé et criblé de flèches.

- page 1 de 2