Charles Dantzig (1961-) est polyvalent. Poète, essayiste brillant (voir ses excellents Dictionnaire égoïste de la littérature française et Encyclopédie capricieuse du tout et du rien), romancier, traducteur sont parmi ses diverses casquettes. Dans sa production littéraire, on relève des tas de trucs (loin de moi l'idée d'un jugement dépréciatif en employant ce terme) dont l'un de ses favoris semble être de couper certains passages de ses romans par des [...]. Comme si son manuscrit s'était endommagé, qu'on en ait perdu des morceaux, qu'on l'ait retrouvé dans un état partiel, ou autre chose. On note l'à-propos d'un tel procédé, bien souvent parce que l'auteur en use finement. Il n'empêche, cela peut lasser, d'autant que Dantzig est pourfendeur du cliché, du déjà vu, des stéréotypes ; qu'il évoque justement le premier auteur à utiliser ces [...] dans ce but précis au détour d'un de ses livres, pour mieux les reprendre à son compte dans certains de ses ouvrages. Et l'on guette l'apparition de ces petites interruptions à la lecture de chacun de ces nouveaux romans. (Je ne sache pas qu'il y en ait un seul dans Dans un avion pour Caracas, son dernier livre, mais mon goût pour Dantzig me fait sûrement escamoter la réalité). Comme on attend, au concert d'un chanteur qu'on aime, le morceau que l'artiste ne manquera pas de chanter.

Jacques Drillon (1954-) est polyvalent. Critique, grand connaisseur de la chose musicale, de stylistique, de la langue française, il a récemment publié un petit opuscule de courts récits érotiques, Six érotiques plus un. Je ne l'attendais pas sur ce terrain-là, mais j'ai beaucoup ri. A coté de son immense Traité de la ponctuation française, historique et érudit en même temps que drôle et diaboliquement précis, Drillon digresse beaucoup dans de courts ouvrages, toujours passionnants, souvent teintés de mauvaise foi voire de méchanceté. Mais cela n'a aucune importance. Drillon, lui aussi, semble avoir un pêché mignon : mettre tout un paragraphe entre parenthèses. Cela revient fréquemment dans Sur Leonhardt, que je viens de poser, à tel point qu'on se demande si c'est une connivence que l'auteur veut établir avec son lecteur, si veut réellement placer ce qu'il dit entre parenthèses (à plusieurs reprises, j'en douterais) ou s'il fait cela sans s'en rendre compte.

N'importe, d'autres détails sont si précieux chez ces deux-là qu'on les lit.