Petit chosier

Brimborions, babioles et bidules
Par Romain T. et Fabrice D.

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Tag - écriture

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mardi 9 mars 2010

Quand ils seront grands, je serai nègre

Stupéfaction : j'ai lu, dans Le Monde daté du 5 mars 2010, que le journaliste François Forestier tire bon an mal an, 100 000 euros de son activité de nègre. Pourquoi ne nous dit-on pas ça lorsqu'on est au lycée ? Que font les conseillères d'orientation ? On nous vend du glamour, on nous impose du raisonnable, on nous veut ingénieur, ou pompier, ou astronaute, alors que c'est nègre qu'il faudrait être !

La valeur peut ne pas attendre le nombre des années, mes années impatientes se lassent d'attendre la fortune. Aussi envisagé-je ma reconversion. Ce qu'il me faut, c'est un échantillon, comme sur les marchés de Provence : un petit machin rigolo que je montrerai aux éditeurs pour leur fourguer ma camelote et gagner ma croûte. Il suffirait que je me fasse la main sur un ami, en tout bien, tout honneur, que je lui trousse une petite autobiographie. Je ne manque pas d'amis brillants, je n'ai que l'embarras du choix, pensé-je...

Il m'a pourtant fallu choisir et trier parmi mes amis, comme Barbe-Bleue se demandant laquelle de ses femmes il allait pouvoir dévorer. Jocelyn est une pièce de choix, mais l'on attendrait d'un traducteur d'Aristote qu'il se cuisine lui-même. Camille est prometteuse : une dompteuse de fauves, une aventurière dans la jungle, bref un professeur en banlieue parisienne ; mais tout cela sentirait le réchauffé, le ragout de Maya Goyet. Olivier, alors ? Mais qui lit encore des biographies de mathématiciens, à part Romain ?

Non, il me fallait viser plus exotique, sans vouloir vexer quiconque. Après bien des hésitations, je n'en ai gardé que trois, que je vous demanderai de ne pas me voler.

  • Bertrand a une belle plume, ç'aurait dû être un inconvénient ; mais il me suffit d'attendre. Dès qu'il sera président d'une entreprise du CAC 40, ministre d'État, que sais-je ? aventurier-milliardaire façon Richard Branson, il n'aura plus le temps d'écrire. Déjà, alors qu'il n'est encore rien de tout cela, il ne blogue plus. Son autobiographie tiendra le lecteur en haleine par un secret dont je retarderai encore et toujours la révélation ; un détail, un manque que le lecteur aura en tête et que je viendrai titiller pour lui du bout de ma plume, comme une dent creuse que l'on teste du bout de la langue ; une demi-incisive manquante dont on cherchera la trace. On inventera un Rosebud : ce sera un ciré jaune, sur des rochers de la côte bretonne, et un plongeon dans un petit trou d'eau.
  • Il y en a toujours un, pour tous les films. C'est un homme entre deux âges, ni gros ni maigre, ni beau ni laid. Il n'a jamais l'air de rien faire, mais il est sur toutes les photographies de plateau : sa tête dépasse d'une épaule, on le devine dans la pénombre, il meuble un coin de l'image. C'est celui qui semble seul et triste quand tout le monde rit à une blague de la vedette. Lorsque Valentin sera le nouvel Orson Welles, je serai celui-là. Son ombre, son fantôme, son rien. Je n'aurai pas mon nom au générique de ses films, ni sur la couverture de son autobiographie, mais j'écrirai tranquillement sa légende, celle d'un homme né sous le signe du cinéma, dans une fatalité nivernaise. Nevers est une grande ville, un enfant peut en faire le tour à pied. J'ordonnerai à Resnais et Duras de s'être penchés sur son berceau et c'est ainsi que, de sa vie, je ferai un destin.
  • Je devrai bien reconnaître que je me serai trompé lorsque, confortablement installé dans son jet privé, je recueillerai les confidences de ce magnat de l'agroalimentaire. MIAM : We feed the world. Antoine aura eu raison, contre moi. Je serai beau joueur, mais comment ne pas l'être ? et je le suivrai dans sa tournée des producteurs : tel Néo-Zélandais qui fournit des kiwis locaux aux populations locales, tel cultivateur des rives du Niger qui fourgue des melons aux Nigériens, tel Auvergnat dont les myrtilles équitables nourriront Clermont-Ferrand. Grow local, think global. Mon amour propre en aura pris un coup, mais je rapporterai des ananas de Martinique.

Et lorsque je serai vieux, que mes économies auront fondu à l'approche de tant d'étés, que ma fortune aura été dilapidée en tant de pilules miracles, que j'aurai ruiné ma vie dans la quête toujours renouvelée d'un inaccessible ventre plat, à mon tour, j'engagerai un nègre, pour qu'il raconte tout cela, au passé. Cela m'assurera bien une petite retraite.

jeudi 11 février 2010

Zeitgeist

Questions en suspens

  • Comment communiquer ? Comment passer la barrière de la timidité, de la gêne ou de l'inconfort ? Comment trouver les mots justes sans choquer l'interlocuteur ni affadir sa propre pensée ? Comment faire passer l'autre avant soi-même malgré l'orage des sentiments, la tempête de tristesse, les éclats de joie provoqués par sa conversation ? Bref, comment échapper à l'égoïsme ?
  • Comment aider ? Comment comprendre sans interroger, réconforter sans pontifier ? Comment ne pas s'immiscer ni s'éloigner ? Comment éviter les risques de l'indifférence et de l'indiscrétion ? Comment faire sentir sa présence sans l'imposer ? Bref, comment se résoudre à n'être que là ?
  • Comment consoler ? Comment aller au-delà de sa propre tristesse pour éponger celle de l'autre ? Comment espérer y pouvoir quoi que ce soit ? Comment faire fi de cette impuissance et oser malgré tout ? (Mais qu'oser ?) Bref, comment faire, pour une fois, mieux que le pitre ?
  • Comment dire à ses amis qu'on les aime ? Mieux, comment être vraiment à leur côté ?

Question résolue

  • Comment écrire un billet à l'infinitif présent ?

mardi 2 février 2010

Je me suis vendu au Grand Capital

L'Auvergne s'étant vue délaisser par ici, ces derniers temps, évoquons deux de ses enfants les plus illustres : Pascal et moi. (George Clooney viendra dans un second temps.)

Je me sens obligé de me justifier, tout à coup. Si, Pascal est illustre : il est de ces très rares philosophes incontestables dont la gloire est telle qu'un prénom leur suffit. Pascal, comme on dit Alain ou Socrate. (Même si Alain ne s'appelait pas Alain et que plus personne ne s'appelle plus Socrate.) Mais pas comme Pascal Obispo, par exemple.

Par ailleurs, Pascal est bien auvergnat : la porte de sa maison se trouve dans le jardin Lecoq à Clermont-Ferrand ; elle donne sur le petit pont qui franchit le bassin aux canards. Si la géographie et l'ornithologie ne suffisent pas, reste la preuve par Vialatte :

Pascal aimait tellement l'Auvergne qu'il naquit à Clermont-Ferrand.

L'Auvergne absolue, éd. Julliard, p. 107.

La littérature et les canards s'accordant, je tiens pour acquis que Pascal est un Auvergnat illustre. Mon cas est hélas plus douteux. Je ne me suis illustré que par l'honneur qui m'est fait de vous avoir pour lecteur. Et, avouons-le, je ne suis qu'un Auvergnat exogène : j'ai germé dans le Berry, on m'a rempoté dans la pouzzolane, je n'ai poussé qu'ensuite à l'ombre du Puy de Dôme. Je ne me réclame de l'Auvergne que pour attirer l'indulgence de Pascal, pour adoucir son jugement. Car, à travers les siècles, il me juge et me jauge ; son regard sombre comme la pierre de Volvic pèse sur moi.

Nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux il est inévitable que nous ne le soyons jamais.

Certes, mes études n'étaient qu'un passe-temps qui ne m'occupait qu'entre deux répétitions ou deux chapitres à écrire. Ma voie était tracée : je serais romancier-comédien. Je suis ingénieur et je n'ai pas mis les pieds dans un théâtre depuis cinq ans. Mais mon travail n'est qu'un gagne pain qui me nourrit entre deux chapitres à écrire... Qui essayé-je de convaincre ? Qui trompé-je encore ? Ouvrons les yeux. Je n'écris pratiquement plus : je réduis des coûts, j'améliore des performances, je rends possible le difficilement faisable. Ce qui n'est pas rien, mais je n'écris pas.

Dans In the Air, J.K. Simmons est Bob, un employé lambda d'une entreprise anonyme. Costume-cravate, air respectable, établi ; mais il n'y travaille qu'en attendant de vivre sa passion, d'ouvrir son restaurant, d'oser, dit-il depuis au moins quinze ans. Dans In the Air, toujours, George Clooney liste les choses qui nous lestent et nous empêchent d'avancer : toutes ces babioles qu'on achète, qu'on accumule ou qu'on se voit offrir. Toutes ces choses dont l'attachement rend chaque jour plus difficile de franchir le pas.

J'ai depuis une grosse semaine un nouvel ordinateur professionnel. Écran de 17 pouces, coque en acier brossé, un bel objet ; un objet aguicheur, un objet flatteur, un objet flagorneur. Ce modèle s'appelle EliteBook...

Faut-il y voir un signe ? Ce billet est le premier depuis qu'on m'a offert ce nouveau jouet : une semaine sans écrire, une pause dans la laborieuse résurrection de ce blog. Il y a sans doute un choix à faire : céder à l'EliteBook flambant neuf ou dompter ce vieux portable qui me sert à bloguer et dont la touche "a" ne fonctionne plus ? Ne pas choisir serait déjà un choix.

À voir.

lundi 4 août 2008

Oui, et ?

(Page blanche.)

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