Petit chosier

Brimborions, babioles et bidules
Par Romain T. et Fabrice D.

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Tag - Auvergne

Fil des billets

lundi 14 février 2011

Riom

Commençons par le B-A-BA : Riom se prononce comme Billom. Voilà qui rassurera les poètes qui voulaient chanter l'Auvergne sans savoir où l'arrimer, du Rhône ou de l'Italie, avec quoi la rimer, de Lyon ou du Latium.

Cette ambiguïté levée, je dois avouer mon malaise face à Riom. On a beau aimer les sous-préfectures, en voilà une qui semble de trop : le Puy-de-Dôme avait déjà Ambert, Issoire et Thiers, pourquoi leur ajouter Riom ? Il y a bien des raisons, mais aucune ne convainc vraiment. Géologique : Riom est noire et belle comme la pierre de Volvic, sa voisine. Judiciaire : on n'irait pas perdre la cour d'appel de Riom dans un chef-lieu de canton ! Thermale et ferroviaire : bienvenue en gare de Riom-Châtelguyon, si les eaux de Vichy arrosent un sous-préfet, pourquoi pas celles de Châtelguyon-Riom ? Certes, certes, mais que diable ! Une quinzaine de kilomètres à peine séparent Riom de Clermont-Ferrand, la préfecture : il suffit de contourner Chanturgue.

La route est plate : c'est la plaine de la Limagne. Pour autant, ces quinze kilomètres sont denses d'histoire et riches en tanins : on y a peut-être gagné la bataille de Gergovie et on y fait du vin. Le village de Gergovie est vingt-kilomètres au sud et le Chateaugay n'est pas toujours bon ; mais tout ceci mériterait un autre billet, plutôt qu'une sous-préfecture.

dimanche 13 février 2011

Vichy

On va à Vichy comme on va en cure ; la France même y est allée faire un Régime. On y mange des carottes qui rappellent la cantine de l'école, on y porte les chemises de Jack Lang, on y suce des pastilles mentholées. L'eau y est gazeuse et médicinale. Son goût étrange prouve son efficacité, comme de tout bon médicament.

Une promenade à Vichy

Le thermalisme bat la sous-préfectoralité : quoi de commun entre Vichy et Montluçon ? L'Allier. Malgré les distances, Vichy est bien plus proche de la Bourboule, d'Évian-les-Bains ou de Biarritz : la même architecture de bonbonnière élégante, les mêmes hôtels à la grandeur un peu passée, le casino dont les néons clignotent dans la nuit. Des vieilles dames voûtées sous le poids des perles croisent des rombières emballées de vison ; les unes comme les autres trainent à leur bras des messieurs tout gris portant chapeau mou et moustaches frisées. En 1934, Anouilh décrivait déjà cette atmosphère vieillotte dans Le bal des voleurs. L'horloge sur la façade de l'opéra municipal indique l'heure exacte, mais le temps semble n'en pas tenir compte.

Sous la poussière, pourtant, les dorures ternissent et les manières se perdent. Vialatte racontait que, à l'arrivée en gare de la Bourboule, des traineaux à chiens accueillaient les curistes pour les mener à travers la ville enneigée jusqu'à leur hôtel. Une veille de Noël, à la Bourboule, je n'ai vu ni neige ni traineau. Il pleuviotait, la ville était grise, les thermes semblaient déserts. Le brouillard rôdait à flanc de montagne et assiégeait le village endormi.

dimanche 30 janvier 2011

Issoire

Cela me semble toujours une trahison. Les offices du tourisme et les guides de voyage s'acharnent à rendre désirables les moindres recoins de la plus petite ville. Ils listent les églises, recensent les fontaines, inventorient les lavoirs. Eux seuls se souviennent que Henri IV a dormi dans tel hôtel particulier miteux au fond d'une rue borgne. Si tout échoue, ils généalogisent, ils remontent les ascendances : l'arrière-petit-cousin de Danton fut maire sous le Consulat ; il y a toujours un élève du curé d'Ars pour avoir prêché dans l'abbatiale locale. Après tant d'efforts et de volonté, je culpabilise toujours un peu d'aimer une ville pour une raison qu'ils n'avaient pas prévue.

Ainsi Issoire.

Certes, il y a la halle au grain. Une bien belle halle au grain, aussi pataude et incongrue que l'église de la Madeleine à Paris : un simili temple grec, au milieu d'une place, autour duquel les voitures avancent en procession. On n'y vénère plus le grain, on y tient le salon du mariage. On imagine facilement que, le soir du quatorze juillet, des jeunes pucelles y viennent s'encanailler au bal des pompiers.

Certes aussi, il y a la paroisse Saint-Austremoine, une des plus belles églises romanes d'Auvergne. Ses piliers, ses murs, son intérieur, ont gardé leurs couleurs, restaurées au XIXe siècle, mais c'est de l'extérieur que je la préfère : elle tient un peu, Dieu me pardonne ! du palais imaginaire du facteur Cheval. Voyez-la de l'arrière : on dirait un chou-fleur boursouflé de chapelles. Le clocher est posé là-dessus comme une arrière-pensée.

Pour autant, malgré mon goût pour l'art roman et ma passion pour les colonnades pompières, c'est un monument plus modeste qui rend Issoire cher à mon cœur. Enfin, mon cœur...

C'est un pavé beige fermé d'une porte de métal : on y entre sans payer, l'intérieur est propre et il y a du papier. Surtout, le siège, en inox, est chauffé. Qui entretient avec sa vessie et ses intestins des rapports plus simples que les miens ne comprendra sans doute pas. Mais il y a, à Issoire, les plus accueillantes toilettes publiques que je connaisse.

lundi 24 janvier 2011

Ambert

Paris est cinématographique ; Clermont-Ferrand, pneumatique ; Aix-en-Provence, picturale. Mais Ambert ? Ambert est à la fois papetière et littéraire : Richard de Bas y moulinait du papier ; Henri Pourrat y est né ; Alexandre Vialatte y repose. On penserait que, dans une ville de lettres, les mots auraient un sens. De fait, ils en ont un, mais qui n'est pas le sens commun : ils font quelques tours sur eux-mêmes, comme le touriste autour de la mairie ronde, s'en étourdissent et finissent par dire des bêtises.

Juillet part de bon matin de Clermont, il s'égare sur les chemins du Forez et arrive à midi à Ambert : il y grelotte, un peu surpris, et regarde sa montre. Serait-il en retard ? Aurait-il dépassé la Toussaint sans la voir ? Non, non : juillet est bien juillet, mais il fait 12 degrés.

Un sous-préfet arrive en même temps, tout frais nommé. Il pense grandeur de l'État, la sous-préfète rêve de garden-parties. Mais la sous-préfecture n'est pas bien grande et n'a pas de jardin. Cela s'appelle un chef-lieu d'arrondissement, cela ressemble à un gros bourg. Un tracteur passe, une vache égarée s'approche et commence à brouter l'œillet que le sous-préfet avait mis à sa boutonnière. Juillet s'éloigne et tous frissonnent : ce ciel gris, cette lumière pâle, ce vent glacial, ce serait donc l'été ? Mais que sera janvier ?

C'est qu'il ne faut pas lire Vialatte avant d'aller à Ambert : les gamins qui courent dans les rues, les tilleuls qui embaument, la statue barbue que les écoliers déguisent, le touriste peine à les trouver sous le soleil pâle. Tous doivent être dans les champs ou dans un lieu-dit au nom pittoresque. Ce sont les grandes vacances et la ville n'est plus habitée que du terrible Monsieur Panado.