Petit chosier

Brimborions, babioles et bidules
Par Romain T. et Fabrice D.

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jeudi 26 août 2010

Être et avoir été

Je viens de surprendre mon grand-père faisant l'amour à la bonne. Métaphoriquement, j'entends : pépé n'ayant jamais eu de bonne de son vivant, ce serait doublement suspect. La métaphore est douteuse, je frôle le cauchemar, essayons autre chose : je viens de surprendre Gandhi troussant Marie Curie. Pas franchement mieux. Reprenons du début.


Pouf, pouf.


Je viens de surprendre une autorité morale, un pur esprit, un Maître en plein ébat. Pire : en pleins ébats.

Cela s'intitule Être et avoir été et c'est d'Igor Markevitch.

Markevitch, il vous en souvient sans doute, n'a pas toujours été ce chef d'orchestre merveilleux qui dans les années cinquante dirigeait amoureusement le meilleur orchestre français : fils de Russe blanc, enfant prodige, compositeur pour les Ballets Russes de Diaghilev, le deuxième Igor (après Stravinsky), admiré de Milhaud, admiré de Scherchen, admiré de tous. La guerre arrive : résistant en Italie. Capitulation : le compositeur meurt, un chef d'orchestre ressuscite. La grandiloquence guette : génial dans Berlioz ; épatant dans Tchaikovsky ; obstiné dans Stravinsky.

À la fin des années 70, Markevitch se retourne et écrit : Être et avoir été. L'autobiographie d'un intellectuel qui aura traversé l'intelligentsia du siècle : l'index des noms propres résume ceux qui auront compté de 1912 à 1983. Cortot, Boulanger, Diaghilev, Cocteau, Chanel, Ramuz, Auric, Nijinsky, Ansermet, Monteux, Munch, tous, il les a connus. Je vous entends bailler : déjà vu, tout ça ; Brialy qui se remémore Moreau ; Ormesson qui raconte Chateubriand.

Certes mais tout de même : Markevitch ! L'intimité avec la musique, avec les musiciens, avec leurs femmes... Oups, c'est là que ça se gâte : les considérations sur la musique ? admirable ! tel musicien croisé en Suisse ? formidable ! le touche-pipi avec Serge Diaghilev ? ah, tiens... Et cela continue : Max Jacob ? oui, oui... Marie-Laure de Noailles ? oui, oui... C'est que, comprenez, il était monogame tous azimuts. On finit par être surpris quand il tient à préciser qu'il n'a pas couché avec Cocteau. Mais pourquoi donc ? C'aurait fait un beau chapitre, pourtant, un plan à trois avec Jean Marais. Mais où est la musique, là-dedans ?

Un instant... Serais-je pudibond ?

Non, simplement un imbécile, fruit de mon époque, qui pense que la musique classique est affaire de cadavres - au mieux, de vieux messieurs qui ne se souviennent pas de leur dernier rapport sexuel. Convenables, en tout cas, qui n'engrossent pas Marie-Laure de Noailles pendant que Charles (le mari) a le dos tourné. Foutaise ! C'est un grand vent d'air frais que ce lupanar : y voilà de la chair, du sang, du sperme !

Bach n'avait-il pas douze enfants, après tout ?

vendredi 16 juillet 2010

On n'apprend rien, jamais

Lundi dernier, l'aviez-vous remarqué ? la vérité a triomphé de la calomnie. Les chiens n'auront pas eu raison de notre République irréprochable.

Nous croyons que les hommes politiques ne sont plus capables de nous surprendre. C’est compter sans les louanges qu’ils se donnent à eux-mêmes après chaque pas de clerc qu’ils ont fait. Nous autres, gens de lettres, si notre pièce est un four, il nous faut bien en convenir, la critique est à nos chausses pour nous le rappeler, et la recette nous renseigne mieux encore. Les politiciens, il n’en est presque aucun qui sache tourner à sa gloire un désastre militaire qu’il a organisé, et se tresser des couronnes avec les étrivières qu’il a reçues.

Le plus fort est qu’il ne trompe personne, qu’il le sait, et que chacun fait semblant de le croire. Cette indulgence qui est passée dans les mœurs des Français, depuis tant d’années qu’ils vont de catastrophe en catastrophe, nous devrions nous rendre compte enfin, de ce qu’il nous en coûte. Il est temps et il est grand temps.

[…]

Mais les mots sont devenus une nourriture à l’usage des militants et des parlementaires : ils s’en contentent et oublient d’aboyer. La politique a vidé le langage de sa substance. En dépit de commentaires innombrables et quotidiens, l’histoire que nous vivons se déroule inexprimée.

François Mauriac, Bloc-notes de « L’Express » n°274 du 21 septembre 1956.

Relisez la date. Voilà : nous sommes un peuple idiot et amnésique.

samedi 8 mai 2010

Parenthèse poétique

MERDRIGAL

en dédicrasse

Dans mon cœur, en ta présence,
Fleurissent des harengs saurs.
Ma santé, c'est ton absence,
Et quand tu parais, je sors.

Léon-Paul Fargue, Ludions, cité par Charles Dantzig dans son Dictionnaire égoïste de la littérature française.

vendredi 30 avril 2010

Les aldéhydes non-énolisables subissent la dismutation de Cannizzaro.

Charles Dantzig n'aime pas les clichés ; Romain, non plus ; les journalistes, si. Tous les matins, dans telle revue de presse, tel journal consacre sa manchette. Les températures sont conformes aux normales saisonnières, un ciel de traîne subsiste au sud de la Loire, les brumes matinales se dissipent toujours. Le Quai d'Orsay proteste, la place Beauvau punit, la Chancellerie comble les vides juridiques. Pendant ce temps-là, l'Élysée arbitre et Matignon gouverne. La Maison-Blanche, le Kremlin, le 10 Downing Street observent tout cela de loin. Dans tout l'Hexagone, les usagers sont pris en otages : on n'en sortira que par un Grenelle.

Les journalistes ont même un cliché pour parler des sujets rebattus : ce sont des marronniers. Le vrai pouvoir des Francs-Maçons, le grand classement des hôpitaux, dans quel lycée envoyer ses enfants ? qui gouverne vraiment la France ? Les cultureux n'y échappent pas : le palmarès des films de l'année, de la décennie, du siècle ! Et l'année Schumann, et l'année Chopin, et l'année Déodat de Séverac (plus rare). Les sportifs, de même : de ballons d'or en Jeux Olympiques, d'hiver en été, et le Tour de France tous les ans.

Mais, quoi ! on leur demande d'écrire, d'écrire et d'écrire encore. Que dire du monde, quand le monde dort ? Comment prendre le temps d'écrire, quand il s'affole ? Il faut noircir du papier, toujours, tous les jours, quoi qu'il arrive. Comme ces musiciens hollywoodiens qui composent au kilomètre : échappent-ils au cliché, à la redite ? Le thème du Seigneur des anneaux sonne déjà dans la troisième symphonie de Sibelius ; celui de Sleepy Hollow, dans le troisième concerto pour piano de Rachmaninov ; celui d'ET, on le devine dans le dernier mouvement de la Cinquième de Beethoven. (Si on se force un peu.) Paresse ? Réminiscence ? Raccourci pour rentrer plus tôt chez soi ?

Attention : voilà que je mélange tout.

Je comptais blâmer le cliché pour mieux vanter la citation et la redite, je confonds le tout dans mon troisième paragraphe, comment conclure dans le septième ? Puisque nous parlions de Rachmaninov : dans toutes ses œuvres, à un moment ou un autre, le thème se déforme, craque, se déchire ; quelques notes passent la tête par la fêlure, disparaissent à nouveau dans la mélodie, reviennent à la charge pour agrandir la brèche ; un coup final, le thème explose pour de bon, un monstre en sort, comme les serpents des Œufs fatidiques de Boulgakov. C'est le thème du Dies Irae. Ce n'est pas systématique, car l'effet est toujours différent, mais c'est inévitable. Alors, cliché ? Je ne crois pas.

On peut être hanté par des idées, des mélodies, des couleurs. (Klein, bleu ; noir, Soulages.) Ce n'est pas un cliché puisqu'il ne revient qu'à soi. Parfois, c'est un eczéma qui demande à ce qu'on le gratte, encore et encore. (Vialatte : Le progrès fait rage.) Parfois, c'est un havre, une position de repos, un point de chute. (Vialatte : Et c'est ainsi qu'Allah est grand.) L'artiste fait sienne son obsession ; ses disciples la reprennent par hommage ; la foule la répète par habitude — alors, c'est un cliché.

Il y a ainsi une phrase qui me revient souvent, comme un repas trop riche le long d'un après-midi trop chaud. Elle concerne le formaldéhyde, qui sent si bon l'amande mais qui est suicidaire. C'est une bien jolie phrase, sur un rythme de tango, pleine de mots mystérieux comme des noms de papillons précieux. Mais que faire d'une phrase pareille ?

mercredi 17 février 2010

Capote en tweed

Un vieux monsieur dans des tons ternes : pantalon couleur tourbe, gilet bleu marine sur une chemise à fines rayures grises, veste de tweed. Un nœud papillon excentrique comme seule touche de couleur : au-dessus du col, une peau grisâtre à plis et replis, une moustache blanche soigneusement taillée, des cheveux clairsemés. Un petit pas de vieillard prudent sur la moquette. Semi-detached house, tea-cosy, bow-window : un décor mille fois planté. Une table face à la rue, une tasse fumante, une machine à écrire. Les petits pas, feutrés, lointains d'abord, puis de plus en plus proches. Le vieux monsieur, déjà décrit. L'Oxford English Dictionnary pris au passage dans une bibliothèque bien remplie : d'Auden à Whitman, d'Austen à Wordsworth, entrelardée de Shakespeare et de Marlowe.

Le vieux monsieur s'installe, boit une gorgée de thé, tire vers lui sa vieille Imperial. Il hésite un instant et, comme le pianiste qui se relève à demi pour régler la hauteur de son tabouret, il fait le tour de sa chaise et la déplace de deux pouces vers la droite. Il se rassied, survole le clavier sans s'y poser et hoche la tête de satisfaction. Le romancier anglais s'apprête à écrire un roman anglais.

Les stéréotypes ont la vie dure.

Julian Barnes, David Lodge, Alan Benett, voilà ce que ces noms m'évoquent lorsque je les vois sur une couverture. Malgré tout ce que je sais d'eux, malgré les fragments biographiques, malgré les photographies, malgré même ce que j'ai déjà lu d'eux, j'en reviens toujours là. Comment voulez-vous, après, que je ne sois pas surpris quand on éjacule chez Lodge, quand Barnes se masturbe, quand on pisse bleu chez Benett !

So shocking.

samedi 2 janvier 2010

Autobiographie, suite

Je ne suis pas du genre à grimacer face à la médisance. (Voilà ce qu'on appelle une litote.) Les commérages, les ragots, le persiflage ne me déplaisent pas plus.

Pour autant, les autobiographies me mettent parfois mal à l'aise lorsqu'elles se mêlent d'autres vies que celle de l'auteur. Si je supporte tout à fait les impudeurs du narrateur, le détail de ses perversions, le dictionnaire de ses petitesses ; si je prends même un certain plaisir à lire des méchancetés ou des détails croustillants sur sa famille, l'alcoolisme d'une mère, les inhumanités d'un frère, les excentricités de l'inévitable tante un peu folle ; je suis toujours embarrassé quand un pan de la vie privée d'un personnage public m'est dévoilé.

Page 228 de son autobiographie My Lives, Edmund White s'inquiète soudain :

I can imagine some of my friends reading this and muttering TMI - Too Much Information or Are we to be spared nothing? Must we have every detail about these tiresome senile shenanigans?

J'imagine certains de mes amis lisant ceci et marmonnant TI - Trop d'informations ou Rien ne nous sera donc épargné ? Doit-on vraiment savoir tous les détails de ces manigances exaspérantes de vieillard ?

Un paragraphe plus haut, il expliquait qu'il ne se déshabillait pas pour sucer T. dans les premiers temps de leur relation, que son seul objectif était d'amener T. à jouir et de pouvoir goûter son sperme ; un paragraphe plus bas, il détaille comment il a amené T. à le fouetter. Un chapitre plus tôt, il évoquait Michel Foucault, Susan Sontag et un grand éditeur parisien qui, à l'article de la mort, pouvait encore s'assurer des coups d'un soir grâce à son pénis énorme. Encore plus tôt, c'était sa mère alcoolique et grasse, étouffant dans un corset, flirtant avec les hommes qui lui payaient à boire mais échouant à en séduire aucun. Le tout, très bien écrit, drôle et touchant, comme il est de coutume de le dire en quatrième de couverture.

Pourtant, il y a quelque chose là-dedans qui me gêne. Et ce n'est ni le sado-masochisme, ni le drame familial. J'ai sans doute une trop grande aversion et une trop grande crainte du name dropping. En ce moment-même, j'imagine mes amis lisant ceci et marmonnant TRL - Trop de références littéraires ou Doit-il vraiment nous faire part de toutes ses lectures d'auteurs obscurs ? Il y a toujours un risque de fanfaronnade à citer un nom connu : ne cite-t-il tel auteur que pour se glorifier de l'avoir lu ? tel philosophe que pour le prestige de l'avoir rencontré ? En me raisonnant un peu, je comprends bien pourtant qu'on ne peut pas écrire une autobiographie (encore moins la vendre, ensuite) si l'on prend soin de ne citer que les gens qu'on a croisé et dont on est sûr que le lecteur de les connaîtra pas.

En janvier de cette année-là, mon boucher, M. Caillefer prit sa retraite. Son remplaçant, M. Duplessy, ne parvint jamais à me le faire oublier.

Au pilon !

En fait, ce malaise en moi, lorsqu'on évoque les mensurations d'une semi-célébrité ou l'agonie d'un philosophe dans une autobiographie, je le dois probablement à ma mère. Que vont penser les voisins ? La peur du qu'en-dira-t-on, enracinée dans la petite-genterie, arrosée de bassesse de sous-préfecture, ma mère en a fait une morale. Une génération plus tard, instinctivement, j'en fais un principe de critique littéraire. Un mauvais principe, qui plus est. Je devine l'objection à venir : pourquoi la peur du qu'en-dira-t-on ne couvrirait-elle que les personnages publics et non la famille et les proches de l'auteur ? Pour la réponse exacte, demandez à ma mère. Je suis peut-être imbibé de cette morale familiale comme une éponge oubliée au fond d'un évier mais, pas plus que l'éponge ne saurait vous dire pourquoi son côté vert ne doit pas frotter le téflon, pas plus je ne saurais vous expliquer pourquoi ce qui se fait se peut et ce qui ne se peut pas ne se fait pas. Disons simplement que, de ce que j'en ai compris, dauber sur la famille et colporter à propos des voisins relèvent plutôt du sport ou de la bonne hygiène de vie que de l'interdit moral.

Un dernier nom, une dernière lecture, pour justifier ou pour empirer la méchanceté du paragraphe précédent. Dans ce qu'il prétend ne pas être son autobiographie, Julian Barnes écrit ceci :

Il faut écrire comme si ses parents étaient morts.

vendredi 23 mars 2007

Grammaire allemande

Das ist doch so einfach...

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mardi 27 février 2007

Vieux pots...

(Bien laver avant usage.)

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vendredi 19 janvier 2007

Petit bout de perfection

Plus c'est court, meilleur c'est.

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samedi 9 décembre 2006

Pour mémoire

C'est ainsi qu'il faudrait savoir écrire :

Tous ces messieurs avaient lu des romans qui parlent de colonels russes. Ce sont des gens qui fument de gros cigares et qui entretiennent des danseuses célèbres ; ils roulent dans des troïkas et donnent des fortunes en pourboire. Des étudiantes chlorotiques préparent dans l'ombre, autour d'eux, des bombes qu'elles lancent sur les palais en criant Nitchevo ! dans un spasme hystérique. On boit, on joue, on se ruine, on se brouille, on se grise, on se réconcilie, on se confesse les uns aux autres, on se jette dans les bras de son ennemi en le traitant d'homme sublime, on se déchire, on s'entretue, et on s'achemine brutalement vers la sainteté par une longue série de crimes : telle est la vie ardente du Russe, son rythme slave et ses sublimes occupations.

Alexandre Vialatte, Le Fluide rouge

C'est ainsi qu'il faudrait savoir ponctuer aussi.

dimanche 3 septembre 2006

Daté du jour de ponte

Cis-attaché, vous trouverez une version enrichie et augmentée de Holes of Fame. Son nouveau format, plus économique, vous procurera des heures minutes de lecture ! Sa nouvelle formule, aux actifs de bêtise pure et au concentré de calembour piteux, ravira petits et grands. Attention : l'intrigue de ce produit contient des traces d'invraisemblance.

L'auteur décline toute responsabilité en cas de perte de temps à la lecture de ce machin.

samedi 28 mai 2005

Delerm

Expérience plaisante.

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