Dans l'allée pavée qui tient lieu ici de cour intérieure, il y a un trou. Un petit trou, rectangulaire, deux pavés descellés. Mais pas deux pavés qu'on aurait pris ! Deux pavés qui sont toujours là, tous les deux, au fond du trou. Dix centimètres à peine sous la surface de l'allée pavée qui tient lieu ici de cour intérieure.

À croire que cette allée est surélevée, rehaussée, montée sur tréteaux, peut-être : comme la table du buffet d'un noël de comité d'entreprise, avec sa nappe en papier qu'on déroule au mètre, sa galantine faisandée aux pistaches grillées et ses petits bols de mayonnaise tiède. Et les immeubles autour sur tréteaux aussi - mieux, sur échasses ! Ou sur voûte, peut-être, cela serait plus sérieux.

Quoi qu'il en soit, l'échafaudage s'effondre, de toute évidence.

Pavé après pavé, l'allée va s'affaisser. Un canyon, un gouffre, la bouche de l'enfer vont s'ouvrir sous mes pieds, sous les roues de la Kangoo du voisin moustachu, sous les pattes des pigeons trop gras. Pour tout engloutir. De mon bureau qui fait face à la fenêtre, je la vois déjà serpenter, cette crevasse, elle prend son temps, elle prend de la place, elle prend plaisir à avancer vers mon immeuble. À moins que ce ne soit lui qui aille à son devant, tout est relatif, ils courent l'un vers l'autre, elle va l'avaler, il va s'y engloutir, la fin est proche.

Je sais la catastrophe imminente et je ne puis rien faire. Rien sinon me mettre à la fenêtre, m'appuyer à la rambarde en fer forgé où un écureuil lubrique poursuit des gamins cul-nuls et attendre que mon immeuble coule.