Dur, dur d'être un homme : vous naissez, vous grandissez, vous mourrez comme un homme. Mais sans savoir ce que font les hommes. Vous regardez autour de vous, à droite à gauche ; vous prenez un peu de tout, de-ci de-là ; vous prenez modèle où vous pouvez, vous chassez le mentor. Il y a papa, d'abord, puis un professeur quelconque, tel ami, tel autre, tout un album au final. Et, dans le meilleur des cas, on se finit par se prendre soi-même comme modèle : être fidèle à soi-même, ce n'est déjà pas si mal.

En fait, même, on ne sait pas ce qu'est censé être un homme. Ne serait-ce que physiquement : grosso modo, on sait, bien sûr, deux bras, deux jambes, une tête. Mais dans le détail ? Pfff... Vous êtes sûrs, vous, que vous n'avez pas une malformation discrète, une anomalie légère, une bizarrerie quelconque ?

Moi, je me documente. Du bout des doigts, du bout des yeux, j'examine Romain. Pour comparer. (Et, j'admets, pour le plaisir, un peu.) Les conclusions, pour l'instant, sont plutôt rassurantes : je ne sais toujours pas si Romain et moi sommes normaux, mais nous sommes raisonnablement semblables. Je vous tiendrai bien sûr informés de mes découvertes.

Il y a cependant encore un point qui me turlupine : mon nombril.

(Restez, c'est l'instant déballage.)

J'adore jouer avec mon nombril, l'explorer du bout du doigt, le titiller - on s'amuse comme on peut. Or, parfois, j'y trouve - comment dire ? une peluche. J'ai le nombril peluchogène ! Alors je m'inquiète : est-ce normal d'avoir un nombril peluchogène ? En cours de biologie, on ne m'a jamais dit que le nombril de l'homme devait produire des peluches ; au collège, Philippe nous parlait de ses expériences masturbatoires, mais jamais de ses peluches omphaliques ; je n'ai jamais même repéré de peluches dans le nombril de Romain. (Qu'il a adorable, par ailleurs.) Alors, quoi ?

Si je vous parle de cela, ce soir, ce n'est pas pour moi : j'ai accepté l'excentricité de mon nombril. Je vis bien avec. Je suis bien dans ma peau, mes peluches sont bien dans mon nombril, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais j'espère que mon témoignage pourra vous aider : j'imagine, de l'autre côté de l'écran, les soupirs de soulagement. Ah. Lui aussi... Je l'imagine et, peut-être aussi, je l'espère.

(Par association d'idées, dans un prochain billet, il faudra qu'on parle de comment les moutons de poussières font pour arriver sous le lit.)