Certains quartiers de Lyon sont architecturalement bien préservés : le vieux Lyon bien sûr, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO ; les pentes de la Croix-Rousse, avec leurs immeubles de canuts ; la Presqu’île, particulièrement entre la place Bellecour et la place des Terreaux ; les quais de Rhône, qui alignent leur double rangée de façades magnifiques sur des kilomètres de Perrache à Caluire (avec quelques verrues toutefois : l'horrible Sofitel, certains immeubles des années 1970 ici et là).

D'autres quartiers n'ont pas cette chance. Celui de la Part-Dieu, auquel j'ajoute ses abords à cheval sur les 3e et 6e arrondissements, en est peut-être le plus criant exemple.

Soit une gare, des voies de chemin de fer, un centre commercial, des immeubles de bureau, des immeubles d'habitation et des grands axes de circulation routière. Répartissez le tout dans un carré d'un bon kilomètre de côté, sans vous soucier de grand chose, ni des styles qui jurent ni de beaucoup de questions d'urbanisme comme on l'entendrait aujourd'hui, et vous avez le quartier de la Part-Dieu.

L'endroit est très disparate. La gare, très années 1980, concours sans vraiment de concurrence à ce niveau au titre de plus laide de France. Les immeubles d'habitation au nord du cours Lafayette sont la partie la plus horrible du 6e arrondissement : façades préfabriquées, grandes barres de dix étages ou plus, d'à peu près toutes les couleurs. Les immeubles de bureau sont eux aussi de tous les styles, sans préoccupation d'harmonie (fût-elle minimale) : façades avec plaquage répétitif boîte d’œuf des années 1950 ou 1960, immeubles avec vitres en verre fumé années 1970 tel celui de la Caisse d’Épargne, façades plus classiques mais ternes de toutes époques. A côté de ça, on trouve aussi des immeubles typiquement lyonnais plus élégants de la fin du XIXe ou du début XXe. Témoins, cette belle école maternelle cours Lafayette, face aux Halles de Lyon, ou le non moins bel immeuble en brique noisette et pierre du même côté du cours, un peu plus loin, que je vois de mon bureau. Quelques bâtiments Art déco : le centre de formation de la rue Boileau, la bourse du travail, et bien des immeubles rue Duguesclin par exemple ; quelques perles de style international : les grandes barres 100 Lafayette qu'on jurerait de Le Corbusier (et qui sont classées, leurs détracteurs ne les verront donc jamais par terre), celles qui sont rue du Lac, aux stores colorés qui font penser à un Tetris géant. On croise aussi une pincée d'immeubles plus ou moins modernes, aléatoirement répartis : le nouveau palais de justice (1995), la Tour oxygène (2010), des immeubles d'habitation en construction rue Tête d'Or...

Il semble que le quartier puisse encore vivre des décennies sur un tel rythme, de cet assemblage composite de styles très différents qui renouvelle périodiquement l'un ou l'autre de ses îlots, sans faire corps avec l'existant. A moins que la couverture de la rue Garibaldi ne soit le prélude à des changements plus cohérents. Pour l'instant, la Part-Dieu est notre petit Bruxelles, mais c'est certainement pour ses tares qu'on l'aime.