Petit chosier

Brimborions, babioles et bidules
Par Romain T. et Fabrice D.

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Tag - amour

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mercredi 9 février 2011

Ribeauvillé

À perte de vue, pendant des heures, des vignobles. J'aime les vignobles. Que l'aiguille de mon regard suive leurs sillons et résonnent en moi les clameurs des beuveries futures. La campagne m'apaise d'autant mieux que ses fruits m'enivrent. Mais j'étais sobre, ce jour-là, car je conduisais. Je ne me souviens plus vraiment de la route, ni du paysage, sinon de ces vignobles. Peut-être me trompé-je, d'ailleurs : les vignobles bordaient peut-être une autre route, un autre jour. Je ne sais plus trop.

Je me souviens cependant de mon copilote qui me guidait ce jour-là. Il fallait suivre Ribeauvillé pendant assez longtemps. Enfin, il me semble que nous avons roulé longtemps, mais une confusion est possible : il se peut que nous ayons roulé longtemps pour Sarrebourg, mais que Ribeauvillé fût proche. Une chose est sûre, toutefois : il fallait suivre Ribeauvillé.

De fait, nous avons fini par atteindre Ribeauvillé. Nous en avions tout juste traversé les faubourgs quand mon copilote me dit, vivement, soudainement, de me garer. Depuis quelques kilomètres, il était aux aguets ; il venait de repérer ce qu'il cherchait : Nous venons de dépasser la sous-préfecture. À mon habitude, je suis allé la voir de plus près. C'est une grosse maison bourgeoise, d'une pierre orange veinée de briques rouges, très jolie. La photo prise, j'ai rejoint Romain à la voiture et nous avons repris la route.

Au rond-point suivant, mon copilote m'indiqua qu'il fallait faire demi-tour. Je m'étonnai : ne voulait-il donc pas voir Ribeauvillé ?

Non, je voulais simplement que tu puisses photographier la sous-préfecture.

Mes souvenirs sont très flous. Je ne suis même plus sûr, à me relire, que je conduisais vraiment. Peut-être, en fait, Romain s'est-il simplement laissé guider. Mais Ribeauvillé est une preuve d'amour, je ne saurais rien en dire d'autre.

dimanche 7 mars 2010

Billet optimiste

Deux pessimismes à éviter : d'un côté, croire à un âge d'or à jamais révolu, à un jardin édénique dont nous aurions été définitivement chassés, aux jeunes qui étaient plus jeunes quand nous l'étions aussi ; de l'autre, craindre une déchéance inéluctable, une souillure dont nous ne saurions plus nous laver, un lendemain qui ne vaudrait pas notre aujourd'hui apeuré. La même peur approchée de deux côtés différents, le même fatalisme masochiste.

Démonstration par le rut, puisque le printemps approche.

Les antiques, dont l'Antiquité était le présent, s'étaient inventé un âge d'or très pittoresque qu'ils avaient peuplé de Dieux, de Titans et de bestioles en tous genres. Prométhée, qui était un Titan, volait le feu au Dieu ; un aigle lui dévorait conséquemment le foie. Les hommes, au milieu de cette ménagerie, subissaient, égarés. Rares, ceux qui se rebellent : Hercule, dans son berceau, étouffe les serpents envoyés par Héra. Pendant ce temps, Zeus se change en cygne pour charmer Léda, en taureau pour engrosser Pasiphaé, en pluie d'or pour rejoindre Danaé.

Ça, un âge d'or ? Les mortels vivaient dans la peur, les fermiers n'osaient plus envoyer leur femme à la basse-cour : telle petite poule pouvait être Apollon ou telle oie, Bacchus. Comment savoir ? Les gens prudents devaient prendre les enfants du bon Zeus pour des canards sauvages, et réciproquement. Une giboulée de mars, une averse de grêle, une chute de neige pouvaient causer une grossesse, et les rayons de lune, et l'éclat du soleil. Le lit conjugal n'était plus qu'une mauvaise farce : cette femme était-elle bien l'épouse aimée ou Aphrodite déguisée ? cet homme barbu, était-ce Héra, jalouse, qui venait se venger ? étais-je même moi-même qui honorais l'être cher, ou un simple vaisseau pour un dieu en goguette ?

Les amours étaient angoissées et suspectes à force d'être météorologiques, zoologiques et vaudevillesques. Pour parler en ingénieur, notre époque a gagné en fiabilité et en sécurité. Cet homme est un homme, cette femme est une femme. (Sauf exceptions.) On y a perdu en fantaisie, sans doute : ce n'est pas tout les jours que l'on couche avec une pluie d'or, les douches dorées ne sont qu'un pis-aller ; mais la gêne a disparu, faisant place au plaisir.

Le corps n'est plus ce mauvais déguisement de mardi gras qu'empruntaient des divinités en manque de loisirs ; il exulte et ne demande qu'à sentir, qu'à jouir, qu'à aimer. Demain, le printemps sera là : le corps se dévoilera de nouveau. La peau se soumettra aux caresses du soleil, au frôlement des regards. La jeunesse se montrera, tout en fraîcheur, en muscles et en pulpe.

L'avenir s'annonce radieux.